VINGT-HUITIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

Publié le par Théophile Baye

...glorifiant Dieu à pleine voix.

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc   17, 11-19

 

 

 

Le cheminement de la foi

 

 

 

Voici donc que les textes de la liturgie d’aujourd’hui nous racontent deux histoires de lépreux. Si nous scrutons un peu attentivement ces textes, nous allons voir qu’il ne s’agit pas simplement d’une bonne petite leçon de morale qu’aurait fait Jésus, en disant : « Il faut dire merci, puisque vous avez été guéris », mais que cela va beaucoup plus loin : il y a tout un enseignement, dans ces deux textes, à propos du cheminement de la foi. Souvent, nous avons remarqué, cette année, en lisant l’évangile de Luc, qu’il a effectivement, raconté à travers des récits de guérisons ou des rencontres de Jésus, un cheminement de la foi d’un certain nombre de ses interlocuteurs. Le cheminement du lépreux est assez original : c’est pourquoi il nous faut le regarder de près.

 

 

 

Niveau élémentaire

 

 

 

Donc, voici dix lépreux. Ils n’ont, au point de départ, qu’un seul désir : être guéris. Ces dix hommes se tiennent à distance et ils crient : « Jésus, Maître, aie pitié de nous ». Ils ont entendu parler d’un guérisseur en Galilée. Ce guérisseur est un nommé Jésus, et, comme ils le rencontrent, ils s’adressent à lui de loin. En effet, la loi leur interdit d’approcher des lieux habités et de toute personne saine. Ils vivent dans des grottes, loin de toute agglomération. Ils crient donc. Cela, c’est la première démarche de la foi. Comme nous, quand il nous arrive, soit une maladie grave, soit un malheur quelconque ; quand on s’aperçoit que les médecins ne peuvent rien pour nous, notre premier réflexe est d’aller chez un guérisseur, de nous adresser à une quelconque « médecine parallèle ». Dans la démarche de ces gens, il y a peut-être un geste de superstition, je ne sais pas, mais il y a un niveau élémentaire de la foi, puisqu’ils mettent leur confiance en quelqu’un. Ce quelqu’un, ils ne savent pas qui il est, ils disent : c’est un guérisseur, c’est tout. Premier niveau de la foi.

 

 

 

Deuxième niveau

 

 

 

Tout de suite après, on trouve un deuxième niveau de la foi, plus important que le premier. Jésus aurait pu guérir les lépreux tout de suite, leur dire un mot, faire un geste, s’approcher d’eux... Il ne le fait pas. Il leur dit simplement : « Allez vous montrer aux prêtres ». La loi juive, en effet, prévoyait ces cas de guérison. Lorsque quelqu’un était guéri, il devait aller se présenter à la seule autorité reconnue à cette époque-là, les prêtres. Les prêtres étaient à deux ou trois jours de marche, à Jérusalem. Jésus tient à ce qu’on respecte la loi : faire constater la guérison, puis remercier Dieu en offrant le sacrifice prescrit. C’est là que se situe, à mon avis, un deuxième niveau de la foi. Ces hommes n’attendent pas une guérison automatique : il leur faut se mettre en marche, pour une démarche nécessaire, simplement sur une parole que Jésus leur adresse. Ils ne sont pas encore guéris, mais ils font déjà totalement confiance à la parole de Jésus. Ils y croient. Cela, c’est un beau geste de foi, de la part de ces dix hommes. Si seulement nous en étions tous là ! Jésus nous le dit dans l’évangile : « Lorsque vous demandez quelque chose, croyez que c’est déjà arrivé et cela se fera ! » C’est fort. Si nous pouvions avoir cette confiance absolue en la parole de Dieu et croire que, lorsque nous demandons quelque chose, c’est déjà arrivé ! Ce deuxième niveau de la foi, c’est celui de ces dix lépreux.

 

 

 

Troisième niveau

 

 

 

Troisième étape de la foi, la plus importante : c’est la reconnaissance de celui qui guérit. Jusque-là, ces malades étaient tournés vers eux-mêmes, vers la maladie. Mais cette fois, il va y avoir un geste de reconnaissance. Et ce geste, c’est celui d’un étranger, c’est celui d’un hérétique, d’un Samaritain. Il faut se rappeler que, pour les Juifs, le Samaritain, c’est vraiment le mauvais, le dernier des hommes, l’ennemi. Or, c’est celui-là qui va faire la grande démarche de la foi, qui va jusqu’à la reconnaissance. Je voudrais bien m’expliquer là-dessus. Jésus dit aux dix : « Allez vous montrer aux prêtres ». Or, ce Samaritain n’est pas un Juif. Il n’a pas la même religion que les Juifs. Je ne vois pas pourquoi il irait se montrer au Temple de Jérusalem : il serait reçu à coup de cailloux. Ce n’est pas sa religion. Lui, il adore Dieu sur la montagne de Samarie. C’est d’ailleurs la grande querelle entre Juifs et Samaritains : ceux-ci adorent sur la montagne, ceux-là au Temple de Jérusalem. Les neuf autres sont « enfermés » dans les traditions de leur religion. Ils iront donc au Temple. Non seulement pour faire constater leur guérison, mais également pour dire merci à Dieu. C’est donc étonnant, le reproche que Jésus leur fait. Parce que lui, Jésus, se présente, dans cet évangile, comme le seul Temple de Dieu, comme Dieu lui-même. Et le Samaritain ne s’y est pas trompé, lui qui n’est pas empêtré dans les rites de sa religion. Il revient vers Jésus et  se prosterne devant lui. Il adore cet homme. Et il dit merci à Dieu, à travers la personne de Jésus. Vous voyez comment il y a là un déplacement incroyable de la foi. La foi n’est pas seulement faire confiance à la parole de quelqu’un, c’est également reconnaître en ce quelqu’un l’action, la présence même de Dieu. C’est quelque chose de très fort.

 

 

 

Décentrage

 

 

 

Il faudrait nous demander maintenant où en est notre foi. Je crois qu’elle est confiance en la parole de Dieu. Je crois aussi qu’elle se manifeste dans des demandes, dans l’expression de nos besoins à Dieu. Mais je pense qu’il faut aller beaucoup plus loin, jusqu’à la reconnaissance. C’est ce que nous faisons chaque dimanche dans l’Eucharistie. Il nous faut simplement dépasser tout ce que ce geste peut avoir de formaliste. Est-ce que ce merci à Dieu, pour son Christ Jésus, est-ce que notre participation à l’Eucharistie lorsque nous mangeons le Corps du Christ et lorsque nous buvons son Sang, c’est-à-dire lorsque nous voulons nous assimiler à lui, faire la même démarche, le même « passage » que lui, est-ce que notre Eucharistie est merci à Dieu ? Pour notre monde, pour notre santé, pour notre famille, notre travail, nos joies ? La foi, cela va très loin. Cela engage tout l’homme et tout homme à une démarche de « décentrage » pour sortir de nos petites préoccupations individuelles et pour être tourné totalement vers celui qui est la source du salut. Dix ont été guéris, un seul est sauvé. Soyons des sauvés et exprimons-le dans toute notre démarche religieuse.

 

 

 

Père Théo. BAYE !

 

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