DEUXIEME DIMANCHE DE CAREME (A)

Publié le par Théophile Baye

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Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 17, 1-9 
Le contexte
 
On ne peut rien comprendre à cette scène mystérieuse de la Transfiguration de Jésus si on ne replace pas ce récit dans son contexte.
Jésus est allé jusqu'à l'extrême Nord de la Palestine, près des sources du Jourdain. C'est là qu'il a demandé à ses disciples ce que les gens pensent de lui, puis, ce qu'eux-mêmes, les disciples, pensent de lui. Et il a reçu cette réponse merveilleuse de Pierre, en son nom propre, et sans doute au nom de toute l'équipe : "Tu es le Fils de Dieu." A cette proclamation de Pierre, Jésus répond comme il le fait toujours, en parlant de lui comme le "Fils de l'homme." Et pour la première fois, il va se mettre à parler à ses amis de sa mort. Il annonce à ses disciples interloqués qu'il faut maintenant monter à Jérusalem, qu'il y sera arrêté, torturé, mis à mort, mais qu'ensuite, il ressuscitera. Les disciples, nous dit l'Evangile, ne comprennent pas ce que veut dire le mot "ressusciter". Aussi Pierre dit à Jésus : "Cela, jamais de la vie ! Je ne veux pas qu'il en soit ainsi." Alors Jésus traite Pierre de "Satan." Il lui dit : "Mets-toi de côté ; ne reste pas au travers de mon chemin. Mon destin, c'est de passer par la mort, mais pour la résurrection." Jésus va alors insister sur les exigences qui s'imposent à tous ceux qui veulent le suivre. On est en pleine incompréhension. Et c'est six jours plus tard que se situe l'épisode assez mystérieux de la Transfiguration. Un matin, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et il monte sur la montagne. A ceux qui ne comprennent pas, à ceux qui, quelques semaines plus tard, seront témoins de son agonie avant d'être les témoins de son arrestation et de son jugement, Jésus veut donner un signe qui leur permettra (peut-être) de "tenir le coup" devant l'adversité. Il sait combien ses amis ont du mal de changer d'optique, eux qui, jusqu'au bout, s'imagineront suivre un Messie libérateur de son pays, un Messie au destin politique, chargé de restaurer la royauté en Israël. Pour les aider à opérer cette conversion des mentalités, il va se montrer à eux tel qu'il sera au bout du chemin, après le passage de la mort. Instant fugitif, dont ils garderont le souvenir, espère-t-il, aux heures difficiles.
Notre expérience personnelle
Mais pour nous, qu'est-ce que cela veut dire, cette transfiguration de Jésus, son visage qui, d'un seul coup, devient éclatant comme le soleil, ses vêtements brillants de lumière ? Pouvons-nous entrer un peu dans cette révélation mystérieuse ? Nous allons essayer.
Et pour cela, il nous faut faire appel à notre expérience d'hommes, de femmes, de jeunes. Nous avons tous vu, un jour ou l'autre, un petit bébé dans son berceau. Il pleure. Et voilà que sa maman s'approche de lui. Il la regarde : elle commence à lui parler doucement. Et le bébé s'arrête de pleurer. La maman continue de lui dire des petits mots d'amour. Et voilà le bébé qui commence à remuer ses petits pieds, son visage s'épanouit de joie. Il devient comme transfiguré de bonheur, simplement parce que sa maman lui dit des petits mots d'amour. Nous avons tous été témoins ou acteurs de telles scènes. Il y a d'autres expériences que nous avons peut-être fait. Lorsque deux amis, par exemple, se  rencontrent, et surtout s'ils ne se sont pas vus depuis longtemps, ils vont arborer un large sourire. Ils vont être illuminés par la joie de cette rencontre. De même, lorsqu'un homme et une femme se disent leur amour - et dans l'acte d'amour particulièrement - leur visage est comme transfiguré. Faites appel à vos souvenirs.
Des petits mots d'amour
Cette expérience humaine, c'est l'expérience multipliée je ne sais combien de fois, que le Christ a vécu au jour de sa Transfiguration. Pour moi, cet épisode de l'Evangile paraît très simple. Alors que ses disciples, sans doute, contemplent le magnifique paysage qu'ils ont sous les yeux, Jésus, lui, (nous dit l'évangéliste Luc) est déjà en prière. En un instant, il a retrouvé la relation d'amour qui le lie à son Père. Il dit des mots d'amour à son "papa", comme il l'appelle familièrement. C'est à ce moment-là que le Père lui répond, pour lui dire, lui aussi, les mots d'amour d'un père à son fils, les mots que les disciples entendront : "Fils bien-aimé, qui fait toute ma joie." Et dans ce dialogue d'amour, le visage de Jésus devient éclatant de lumière. Il est "métamorphosé", parce qu'il exprime la relation étroite, les liens d'amour qui unissent le Père et le Fils. La Transfiguration, c'est le résultat d'une parole d'amour.
Cela n'empêchera rien. Le Christ transfiguré annonce sa résurrection : son visage de Ressuscité sera aussi un visage transfiguré. Mais auparavant, il y aura le Christ défiguré, le Christ de la Passion, le Christ qui gémit sous les coups. Le Christ tellement défiguré dans son agonie que l'Evangile dit qu'il transpirait une sueur de sang. Le Christ tellement angoissé qu'il s'adresse à son Père pour lui dire : "Père, si c'est possible, que cette coupe s'éloigne de moi." Le Christ dont le visage sera défiguré par la souffrance (et il le sait) veut dire à ses disciples : Il y a certes la résurrection, mais avant, il y a le passage obligé, difficile, de la mort. Aussi, par avance, je vous montre la suite du "passage", ce qu'est la Résurrection : mon corps transfiguré par l'amour de mon Père.
Laisser passer le courant
Pour nous, c'est la même chose. Nous avons le visage que nous avons, bien sûr. Mais ce visage peut être, parfois, défiguré par la souffrance, la maladie. Il peut être aussi défiguré par la haine. Il peut être également transfiguré, non seulement par l'amour des hommes, mais par un amour plus profond parce que plus éternel : l'amour de Dieu. Car c'est à chacun de nous aussi que le Père dit aujourd'hui même : "Tu es mon enfant bien-aimé." Seulement, voilà ! Nous ne le croyons pas tellement. Si nous le croyions, nous aurions une autre allure ! Dites, frères, une lampe électrique, c'est quoi, s'il n'y a pas de courant ? Un objet inutile. Mais si le courant passe, la lampe éclaire, illumine tout. Nous sommes comme des ampoules électriques. Pour ne pas être rejetés comme des objets inutiles, il faut laisser passer le courant. Ce courant, c'est l'amour de Dieu, auquel nous n'arrivons pas tellement à croire, auquel nous ne voulons pas tellement répondre. Parce que, si nous arrivions vraiment à y croire, même aux jours de souffrance, nous aurions d'autres têtes. Nous aurions déjà des visages de ressuscités.
Et ce que je vous dis là va beaucoup plus loin que notre cas personnel, car ce qui est en jeu, c'est la réussite de l'humanité. Au début du Carême, je vous invitais à ouvrir les yeux sur les réalités de ce monde. Nous avons déjà évoqué des visages défigurés par la faim, par la torture, par les humiliations innombrables. On ne peut pas ne pas évoquer tous les visages de nos frères humains défigurés par une violence institutionnelle, puisque cette violence est érigée en méthode de gouvernement dans de nombreux pays. Qu'est-ce que nous faisons, devant des faits patents, sur lesquels nous alertent sans cesse Amnesty International, l'ACAT, et combien d'autres associations pour la défense des droits de l'homme ?
Ce ne serait pas normal d'avoir toujours un visage transfiguré, si des millions d'hommes ont un visage défiguré. La réussite de l'humanité dépend de chacun de nous, enfants, jeunes ou adultes. Puissions-nous travailler journellement, là où nous sommes, humblement, à ce que cette terre devienne un monde fraternel, transfiguré par l'amour.
Père Théo. BAYE
 
 

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D
très bon !
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