VINGT-TROISIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

Publié le par Théophile Baye

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 14, 25-33 

 

Attention : danger !

 

            Il est toujours dangereux de faire des coupures dans les textes évangéliques qui sont proposés chaque dimanche à notre réflexion. Ainsi aujourd’hui, je me demande pourquoi on a enlevé les deux versets qui terminent les propos de Jésus et qui sont une conclusion de ses mises en demeure, à la fin du chapitre quatorze. Je vous les lis : « Le sel est bon. Mais si le sel est insipide, avec quoi lui donnerait-on du goût ? Il ne convient ni à la terre ni au fumier. On le jette. Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende. »  Bonne conclusion, à mon avis, de l’invitation pressante que nous adresse le Christ à faire dans notre vie les choix qui s’imposent. Si nous ne faisons pas ces choix, nous serons un « sel insipide », et vous savez combien un régime sans sel est désagréable. Jésus nous invite, littéralement, à donner du goût à la vie. A notre propre vie et à celle de notre monde.

Mis au pied du mur

 

            Commençons donc, selon son conseil, par nous asseoir, afin de mesurer l’enjeu et de calculer le prix à payer pour l’atteindre. Il s’agit, nous dit-il, de réfléchir pour savoir si nous voulons marcher avec lui. Donc, pour faire le choix nécessaire, pour ou contre lui. Un choix radical, qui, comme tout choix, exige des sacrifices, des renoncements. Cela peut nous paraître choquant, tant nous sommes habitués, en matière de religion, à « ménager la chèvre et le chou. » En effet, nous avons hérité d’une religion, peut-être sans aucune démarche personnelle. On nous a fait baptiser, quand nous étions tout petits, puis, dans le meilleur des cas,  nos parents nous ont appris à prier, nous ont envoyés au catéchisme et nous ont donné des habitudes, en espérant que nous serions fidèles à cette transmission, à cette tradition, de père en fils, et cela depuis des générations. Je suis catholique, ou protestant, ou orthodoxe, parce que mes parents l’étaient, c’est tout ! Je ne crois pas caricaturer la réalité en vous disant cela. Alors, on suit Jésus, comme les « grandes foules » qui le suivaient sur la route de Jérusalem. On le suit, mais peut-être sans avoir adopté sa façon de voir les choses, de vivre sa vie, de se faire serviteur de la vie des autres jusqu’à donner la sienne. On suit, peut-être, mais seulement jusqu’au moment où cela risque de nous faire perdre quelque chose d’essentiel. Pour le moment, on ne tient à lui que pour l’intérêt que nous en retirons, pour ce que nous y gagnons. Jésus va nous mettre au pied du mur. « Celui qui veut être mon disciples, celui qui veut bâtir une tour, celui qui veut partir en guerre... » Jésus ne s’impose pas. A chacun de décider. Tant mieux donc si, aujourd’hui, les propos du Christ trouvent un écho en nous et nous invitent à faire enfin les choix personnels qu’il juge indispensables.

Préférence absolue

 

            Quels choix ? Un renoncement radical. Une préférence absolue. Vous avez bien entendu : le préférer, lui, à ses parents, à sa femme, à ses enfants, à sa famille. Et encore : la traduction française, bien qu’exacte, ne rend pas exactement le propos abrupt des mots grecs, qui disent : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr, etc... » Et cela va bien plus loin, même, que cette préférence qui rabaisse nos liens familiaux à un degré inférieur. Jésus nous indique que, si nous voulons être ses disciples, il faut le préférer même à notre propre vie. Il sait pourtant bien nos pesanteurs, et cependant il nous dit ces paroles impossibles. Cette page d’évangile est plus que troublante : elle peut nous paraître scandaleuse. Inhumaine. Car enfin c’est un bonne chose que l’amour d’un homme et d’une femme, et c’est une bonne chose qu’une famille où l’on s’entend bien, où l’on respecte et où l’on aime vraiment ses parents !

            Ce serait impossible à accepter si le Christ n’avait pas ajouté, à la liste de ceux à qui il faut le préférer, « notre propre vie ». Là, nous pouvons comprendre qu’il nous faut changer de plan, et nous pouvons même entrevoir que préférer le Christ peut être le meilleur moyen d’aimer vraiment nos proches. Car il y a amour et amour. Et on met tout et n’importe quoi sous ce mot. Que de personnes qui disent « J’aime ma femme », « J’aime mon mari » et qui n’expriment qu’une entière volonté de possession de l’autre. Et alors, « j’aime Untel » ne signifie plus que « je m’aime moi-même ». C’est nous-mêmes que nous aimons et l’autre n’est qu’un moyen pour notre propre culte. Amour qui ne fait pas confiance à l’autre, qui n’ose pas tout lui demander pour qu’il se dépasse, pour qu’il vive davantage. Or Jésus, parlant de lui, nous dit qu’il est « le chemin, la vérité, la vie ». Il ne s’agit donc pas de choisir entre le Christ et ceux que nous aimons. Il s’agit de choisir entre un amour vrai et un faux amour. L’amour vrai, c’est Dieu.

Le beau risque de la foi

 

            Seulement voilà : l’amour authentique, ça coûte. Il s’agit de renoncer à faire de notre propre vie, de nos satisfactions immédiates, de notre bonheur, des idoles. Il s’agit, par nos choix, d’accepter de perdre, jusqu’à la vie. C’est ce que fait le Christ. Et par là, nous allons enfin apprendre qui est Dieu. Une seule définition : Dieu est amour.

Qui veut me suivre ? Ne faisons pas une lecture littérale des propos du Christ. Il nous faut pratiquer un certain discernement. Choisir le Christ, ce n’est pas choisir la pauvreté, mais le partage ; pas la rupture avec ses attaches, mais une priorité donnée au Christ. Il s’agit de découvrir le chemin, de l’inventer, chacun de nous à sa manière et à son rythme. Nous sommes appelés à choisir. A nous de réfléchir et de voir si nous sommes prêts à payer le prix. Or ce choix, nous ne le faisons jamais franchement, tant nous avons peur de perdre, de nous perdre. Et cela parce que nous ne faisons pas assez confiance à Dieu, à sa Parole. Et pourtant, c'est cela, croire : faire confiance, et engager sa vie sur une parole entendue, tout miser sur le Christ. Il y a un risque à courir, un saut à accomplir. C’est le beau risque de la Foi. De nos jours, on ne naît plus chrétien : on choisit de l’être. Tant mieux. Encore faut-il savoir où cela nous mène. La foi chrétienne est le lieu majeur où se joue notre liberté. Par une subversion de ce que notre monde appelle les « valeurs ». Ne restons pas dans l’illusion Prenons conscience de notre vrai désir. C’est ainsi que nous donnerons vraiment du goût à notre propre vie et toute sa saveur à la vie de notre monde.

Père Théo. BAYE !

 

 

Publié dans homelies

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article