VINGT-DEUXIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

Publié le par Théophile Baye

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc   14, 1...14

 

Propos de table

 

Voici donc des propos de table de Jésus. Il y en a un certain nombre dans ce chapitre de Saint Luc. L’évangile d’aujourd’hui ne nous en rapporte que deux, qui sont reliés entre eux par des « mots-crochet », ici, le mot « invité » et le mot « table ». La première réflexion de Jésus s’adresse aux invités, l’autre à celui qui invite. Toutes les deux disent la même chose : il est absolument nécessaire de vivre dans l’humilité.

 

 

 

Or, de nos jours, cela peut paraître « vieux jeu » que de prêcher l’humilité. Nous sommes marqués par la pensée des philosophes du siècle dernier, que nous le voulions ou non. Contrairement à ce qu’on croit, les philosophes ne sont pas des rêveurs, et les écrits de Nietzche, par exemple, ont eu une influence considérable sur nos civilisations occidentales. Pas seulement dans l’Allemagne nazie. Aujourd’hui encore, la plupart de nos contemporains se hérissent si on leur demande de s’écraser, de s’abaisser. Nietzche critiquait les chrétiens en disant qu’ils étaient une « sous-race », une race de dégénérés, des gens qui prêchaient la résignation et l’abaissement. Personnellement, je pense que Nietzche confondait humilité et ce que j’appellerais le masochisme, mais enfin, le fait est là, l’homme moderne est allergique à l’idée d’humilité.

 

 

 

Critiques actuelles

 

 

 

Effectivement, c’est difficile, de nos jours, de dire à quelqu’un, comme le disait tout à l’heure le livre de la Sagesse  : il faut s’abaisser, il faut vivre dans l’humilité. Aujourd’hui, celui qui « se réalise », qui veut tenir debout, c’est l’homme qui se fait lui-même, l’homme qui compte, qui a du poids, de la valeur. Et les gens n’aiment pas trop voir des hommes qui rampent. Je ne parle pas ici de fausse humilité ; vous savez comme ce peut être énervant, quelqu’un qui veut toujours se mettre plus bas qu’il n’est en réalité. Mais il reste qu’il y a tout un phénomène qui joue aujourd’hui. Alors, serons-nous capables d’accueillir une Parole de Dieu qui nous dit : « Il est indispensable d’être humble » ? Il y a également autre chose qui ne passe pas, dans les propos de Jésus : plutôt que d’inviter ceux qui peuvent te rendre l’invitation, n’invite que les pauvres, les estropiés, et tu auras ta récompense dans le ciel. C’est toujours le même chose : soyez pauvres, soyez humbles, écrasez-vous, et vous aurez une récompense... plus tard. Ou encore, ce qu’on a beaucoup reproché aux chrétiens : ils font le bien, d’accord, mais ils ne le font pas gratuitement. Ils le font pour une récompense. Il faut donc tenir compte de toutes ces critiques pour bien remettre à leur place les propos du Christ et voir comment ils nous atteignent aujourd’hui, pour que nous devenions, justement, des hommes qui tiennent debout. Car, pour être vraiment un homme, la véritable humilité est indispensable.

 

 

 

Une bonne terre

 

 

 

Le mot « humble » vient d’un mot latin, « humus », qui signifie « la terre ». Littéralement, l’homme humble, c’est celui qui est une bonne terre, une argile malléable dans la main de Dieu. Celui qui se laisse faire, oui, mais par Dieu. Celui qui ne se fait pas lui-même, mais qui accepte d’être transformé, jour après jour, tout au long de sa vie, comme une bonne terre, comme une bonne argile : c’est lui qui nous a façonnés et nous dépendons de lui. Si tu acceptes cette idée, il y a un progrès considérable en toi. Il y a plus. Jésus ne se contente pas de dire : il faut être humble. Il va vivre cela toute son existence. Saint Paul a très bien vu cela, et il écrit aux chrétiens de Philippe, quelques années après la mort-résurrection de Jésus : « Le Christ était de condition divine (ce n’était pas n’importe qui). Il était l’égal de Dieu. C’est quelque chose. Il s’est fait homme ; et il ne s’est pas contenté de se faire homme : il s’est fait le dernier, vivant la vie des esclaves, et cela jusque dans la mort, la mort ignominieuse des esclaves. Et voilà que grâce à cet abaissement, il a trouvé la gloire que Dieu lui a donnée, une gloire qui surpasse tout : il est le maître du monde ».

 

 

 

Homme pour l'homme

 

 

 

En vous redisant cela, je pense également à la triple tentation de Jésus au désert. C’est la même chose. La tentation qu’il a affrontée, non seulement au désert, au début de sa vie publique, mais tout au long de son existence, c’est la tentation de la « volonté de puissance ». Se servir pour lui, pour son pouvoir et pour sa propre gloire, des pouvoirs qu’il possédait de nature. Jésus refuse. Or regardant toute son existence terrestre, je découvre en lui l’HOMME par excellence. (« Voilà l’homme », dira Pilate). Il est « homme pour les hommes », celui qui est « en relation », celui qui s’est mis, comme disait Péguy, « dans l’axe de misère », celui qui est tout proche, capable d’accueillir, d’écouter, de faire revenir les exclus de la communauté humaine. Homme pour l’homme, Dieu pour l’homme, Dieu avec nous. Voilà ce qu’a réalisé l’humilité de Jésus : un beau type, le plus beau type d’humanité. Aussi il est en droit de nous dire : vous aussi, faites attention ; si vous employez les moyens de la puissance, vous ne serez jamais des hommes, car vous n’entrerez jamais en relation vraie ; vous ne serez jamais l’homme pour l’homme, vous aurez négligé cette qualité essentielle de l’homme qui est de pouvoir être au ras de l’humanité, des petits, de ceux qu’il s’agit de regarder, simplement pour pouvoir les accueillir. Jésus nous apprend le seul vrai chemin possible pour nous réaliser.

 

 

 

Une oreille qui écoute

 

 

 

Le conseil du Christ n’est pas un « truc, » un tour de passe-passe, de fausse humilité (tu vas te mettre au bout de la table pour avoir la fierté d’être invité à monter plus haut). Non, cela nous dit autre chose que des recettes de sagesse élémentaire, que tous, nous pratiquons. Cela nous dit le Royaume, c’est-à-dire la vie des chrétiens, votre vie de tous les jours. Cela nous apprend comment nous situer.

 

 

 

Regardons comment cela se passe dans nos communautés. Je ne parle pas, bien sûr, de ceux qui se mettent devant et de ceux qui restent derrière à l’église. Je parle de la façon dont les petits sont accueillis : les enfants, les étrangers, ceux qui ne savent pas s’exprimer... et les jeunes également, qu’on regarde souvent avec un sentiment de crainte, comme si on voulait les « marginaliser ». Si chacun de nous était capable de refuser de se servir des moyens de la puissance vis-à-vis de tous ! Si nous savions être, comme dit le livre de la Sagesse , « une oreille qui écoute » !

 

 

 

Pour beaucoup d’entre vous, demain, cette semaine, c’est la reprise du travail. Nous allons vivre ensemble une nouvelle année, en communauté de chrétiens. Nous essaierons d’être, simplement, « une oreille qui écoute ». Bonne année à l’écoute de nos frères !

 

Père Théo. BAYE !

 

 

 

 

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