SIXIEME DIMANCHE ORDINAIRE B

Publié le par Théophile Baye


 

Il tombe à ses genoux et le supplie...

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 40-45


Contagion ?

Je me souviens d'une jeune femme qui venait d'apprendre que sa belle-mère avait un cancer. Elle me disait : " J'ai tellement peur de cette maladie que je m'arrange pour ne rien manger et ne rien boire chez ma belle-mère, de peur de la contamination ". Nous sommes tous un peu comme cette jeune femme. Aussi bien en face du cancer que du Sida ou de toute autre maladie. Vis à vis de toute maladie, nous avons toujours un réflexe de défense. C'est quelque chose de naturel. Cela existe même dans notre organisme. Notre organisme se défend contre les attaques du mal en essayant de rejeter les cellules malades. Il y a des dispositifs qui permettent ces éliminations, ces rejets.

Rejet ?

C'est un peu comme cela dans notre vie personnelle, comme dans notre vie en société : on prend des précautions pour éviter tout ce qui peut être dangereux. Pour éviter tout ce qui peut contaminer, non seulement nos corps, mais même le corps social, les corps sociaux que nous formons. Il est bien évident que l'on n'a pas tellement envie d'accueillir chez soi celui qui ne pense pas comme nous, celui qui ne pense pas comme le groupe, comme la majorité du groupe. On a tendance, au contraire, à l'éliminer, à le mettre de côté. On peut regarder dans tous les groupes, aussi bien dans l'État, qui a tendance à rejeter les minoritaires, que dans les familles. Je suis sûr que si nous faisions un instant silence en nous-mêmes pour regarder notre propre famille, nous verrions que dans presque tous les cas, il y a un frère, un oncle, une tante, un fils peut-être, qui est plus ou moins rejeté, mis à part, exclu. Comme si le corps social, pour pouvoir exister, était obligé de se protéger en éliminant.

Le lépreux.

Revenons à notre histoire de lépreux. Voilà un homme qui se trouve dans une situation totalement bloquée. Pour plusieurs raisons, mais cela vient uniquement de sa maladie, la lèpre. Le livre des Lévites, dont nous lisons un extrait aujourd'hui, indique les prescriptions concernant cette maladie : dès qu'une petite tache blanchâtre commençait à apparaître sur une partie du corps, on était obligé d'aller se déclarer au prêtre, qui faisait fonction d'officier d'état-civil à cette époque. C'est lui qui faisait l'examen. Je crois qu'il y avait un délai de huit ou quinze jours : si la tache s'agrandissait ou ne disparaissait pas, on éliminait le lépreux : il n'avait plus le droit de rester dans le village, dans sa famille. On éliminait le malade du corps social.

Un mort-vivant.

Donc, le malade devenait un mort-vivant. Il habitait dans des lieux déserts, avec d'autres lépreux. S'il approchait du village, il était chassé à coup de cailloux. Et même lorsqu'il était guéri, ce qui pouvait arriver, mais rarement, il devait subir une espèce de quarantaine avant d'être réintégré dans le corps social. Donc, situation bloquée : il n'avait plus aucune relation, ni avec sa femme, ni avec ses enfants. Mais situation doublement bloquée, à cette époque-là, parce qu'on considérait la lèpre, comme toute maladie, comme une punition de Dieu à cause du mal que l'on avait fait. Donc le lépreux était doublement exclu : comme malade et comme pécheur. Souvenez-vous du jour où, rencontrant un aveugle de naissance, les disciples demandent à Jésus : " Qui a péché ? Lui, ou ses parents ? " Quelle mentalité ! Le lépreux de notre évangile a bien conscience de sa terrible condition : il demande à Jésus, non de le guérir, mais de le purifier.

Quelle audace !

Ce qui me frappe d'abord, dans cet épisode, c'est l'audace de cet homme. Il va franchir toutes les barrières, parce qu'il a appris qu'il y a un nommé Jésus qui est un guérisseur et qui est de passage dans la région. Alors que tous les autres lépreux devaient se dire : " Ce n'est pas possible. On n'a pas le droit d'entrer dans le village, on sera toujours tenus à l'écart ", lui, au contraire, va franchir tous les interdits et c'est son audace qui est payante. Jésus le touche, et son geste est très significatif, non seulement parce qu'il lui rend la santé, ce qui est très appréciable, mais également, il va lui rendre la possibilité de rentrer en communication et d'être réintégré dans le circuit normal de l'amitié, de l'amour, de la vie.

Il était un mort-vivant : il redevient un vivant à part entière. Il va retrouver sa femme, ses enfants, ses copains, son travail. Ce qui m'intéresse dans le geste de Jésus, c'est donc sa signification : d'un exclu, il refait un père, un époux, un citoyen, un ami, un homme à part entière. Vous le savez bien, la qualité de la vie, c'est la qualité de notre relation aux autres.

" Elle pue ! "

Et je me dis : si je suis disciple de Jésus, partout où je vis, dans tous les secteurs de mon existence (famille, cité, entreprise, quartier, nation et monde), je dois être celui qui essaie de réintégrer les exclus de nos sociétés. Cela peut commencer dans ma propre famille. En tout cas, je ne serai jamais celui qui prononce des exclusives contre quelqu'un, fût-il le dernier des derniers. Et là, nous avons tous à nous examiner.

Je me souviens, il y a quelques années, d'avoir entendu parler d'une petite fille qu'on laissait toujours toute seule, à l'école, pendant les récréations. Et comme je demandais aux gosses de sa classe pourquoi on la laissait toute seule, ils m'ont répondu : " La Turque, on n'y touche pas : elle pue ! " Vous voyez cette mentalité ! Eh bien, on a souvent les mêmes réflexes vis-à-vis de ce qui est étrange, différent. Non seulement vis-à-vis des immigrés, mais également entre gens de générations différentes : les adultes vis-à-vis des jeunes, et les jeunes vis-à-vis des adultes, par exemple. Pourquoi ? Parce que le corps social a toujours tendance à se trouver normal et à trouver les autres anormaux. Les autres, c'est-à-dire tous ceux qui ne vivent pas comme nous, qui ne pensent pas comme nous, qui n'aiment pas la même musique que nous. Alors, on a tendance à les marginaliser, parce qu'ils sont difficiles à supporter.

Je dis cela des jeunes. Je peux en dire autant à propos des vieillards, ou des malades. Regardez comment, à l'heure actuelle, il y a des situations parfois insupportables, des vieillards exclus des circuits de la vie normale, et certains " mouroirs " de triste réputation. Ouvrez les yeux et les oreilles : Alors, vous comprendrez que le rôle des chrétiens, là où ils sont, et d'abord dans leur vie professionnelle, doit être de permettre à tout homme d'être " bien dans sa peau ", d'être en relation vraie, et avec son Dieu, et dans l'Eglise (c'est terrible qu'on ait pu imaginer d'excommunier les gens : c'est contraire à l'esprit du Christ), et avec ses frères. Au travail.

Père Théo. BAYE !

 


 

 

 

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B
Salut je serai surement devant toi au classement des bogoss mais je t invite quand meme sur b-goss.com
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