CINQUIEME DIMANCHE ORDINAIRE B

Publié le par Théophile Baye


Le soir venu, on lui amenait tous les malades

 Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 29-39 

L'homme révolté

 

            La première lecture de ce jour nous a permis d'entendre la plainte du pauvre Job. J'aime beaucoup le livre de Job : au cœur de la littérature de l'Ancien Testament, il tranche par son message, par le ton employé. Il va surtout à l'encontre de l'idée officielle, répandue partout à l'époque (mais on en trouve encore des échos aujourd'hui) : si tu es riche, c'est une bénédiction de Dieu, c'est que tu as fait le bien. Si tu es pauvre, c'est une punition de Dieu, c'est que tu as fait le mal. Si tu es en bonne santé, c'est une bénédiction de Dieu, c'est ta récompense. Par contre, si tu es malade, malheureux, c'est la punition que Dieu t'envoie pour le mal que tu as fait. On retrouve cette idéologie dans quantité de passages de l'Ancien Testament. Et voilà que le livre de la contestation, au milieu de la Bible, nous présente Job, l'homme révolté.

            Pour les enfants, je rappelle sommairement le thème de ce conte oriental. Job est un brave homme, très riche, qui a des maisons, des troupeaux, des serviteurs, des enfants en quantité. Il a toujours fait le bien. Il s'occupe de tout le monde, soigne les malades, accueille les miséreux : bref, un homme parfait. Or, c'est sur lui que vont tomber tous les malheurs possibles : il perd ses biens, ses serviteurs sont tués, ses maisons ruinées, ses enfants meurent, et il se retrouve, selon l'expression, «pauvre comme Job». Bien plus, son malheur ne s'arrête pas là : il connaît la maladie et, couvert d'ulcères, il est assis sur son fumier. Comble de dérision, sa femme vient se moquer de lui, et ses amis accourent pour lui tenir des discours où ils exposent la thèse officielle : s'il t'arrive tout cela, c'est que certainement tu as fait quelque chose de mal, c'est la punition de Dieu ; ou encore, une autre «ânerie» : tout cela, ce sont des épreuves que Dieu t'envoie pour te grandir, te rendre meilleur (comme on l'a écrit parfois : Dieu châtie ceux qu'il aime).

            Job dit : non, ça ne va pas. Moi, je veux me révolter, et demander des comptes à Dieu. Et Dieu va faire une réponse, il est vrai, assez décevante. Si on n'avait que le livre de Job, on n'aurait pas de réponse satisfaisante à la question posée par le livre : pourquoi le mal, la souffrance, la misère des innocents ? Dieu dit d'abord : «Qui es-tu pour discuter avec moi ? Est-ce que tu arrives à percer les mystères de la nature, à savoir comment tout cela fonctionne ? Non ! Eh bien, alors, à plus forte raison tu n'es pas capable de comprendre le mystère de la vie». Mais quand même, Dieu dit quelque chose de plus important dans ce livre de Job. Il dit aux interlocuteurs de ce malheureux : «C'est Job qui a raison». Il a raison d'être l'homme révolté. Cela me fait penser à un autre passage de la Bible, où le patriarche Jacob se bat toute une nuit contre Dieu. C'est un combat terrible, et quand parait l'aube, Dieu dit à Jacob : «Lâche-moi». Jacob répond : «Non, je ne te lâcherai pas avant que tu ne m'aies béni». Et Dieu bénit Jacob en lui donnant un autre nom : «Israël», ce qui signifie : «Celui qui se bat contre Dieu». Dieu aime ceux qui ne se résignent pas, qui ne sont pas des fatalistes, ceux qui ne «s'écrasent pas».

 

Quelques signes

 

            Mais, encore une fois, nous resterions sur notre faim si nous n'avions que le livre de Job. Heureusement, Jésus va répondre à notre question. Il va nous faire des signes : à nous de savoir lire ces signes. Il guérit la belle-mère de Pierre ; le soir venu, il guérit quantité de possédés et de malades. Et tout le monde court après lui. Tout le monde le cherche... seuls Pierre et ses camarades le trouvent, au petit matin, en prière. C'est facile d'imaginer la prière de Jésus, c'est toujours la même. C'est le Notre Père. Ce matin-là, Jésus dit à son Père : «Que ta volonté soit faite...délivre-nous du mal». Attention : «Que ta volonté soit faite» ne veut pas dire : «Je m'écrase devant ta volonté, devant les oukases d'un potentat». Cela veut dire : «Je veux entrer dans ton dessein d'amour, et travailler avec toi à «délivrer du mal» tous les malheureux que je rencontre, à les délivrer de toutes les sortes de mal : maladie, souffrance, misère, péché, mort ».

            Jésus a fait quelques signes. Ces signes nous disent donc un Dieu qui lutte contre le mal sous toutes ses formes. Pas un Dieu qui, d'un coup de baguette magique, créerait un monde où il n'y aurait plus de malheur, comme le rêvaient les gens de Capharnaüm qui couraient après Jésus. Non, Dieu est lié par notre liberté humaine, il respecte nos choix, il ne veut pas faire de nous des robots : c'est la liberté souveraine des hommes qui est à l'origine de la plupart des malheurs que connaît notre terre. Dieu, en la personne de Jésus, fait simplement quelques signes pour nous dire que le mal, ce n'est pas fatal. Non, ce ne sera pas toujours comme cela. Le chrétien qui dirait, en face du mal : « Qu'est-ce que j'y peux ! » ne serait pas disciple de Jésus.

 

Concrètement

 

            Nous sommes le Corps du Christ, c'est-à-dire que le Christ, que Dieu n'a pas d'autre moyen que nous, aujourd'hui, pour faire des signes à l'humanité. Quels signes ? Ceux que Jésus faisait déjà, et que je lis dans l'évangile : signes de libération de l'homme, libération de la maladie, du malheur. Les chrétiens ont à refaire ces signes et tout geste de chrétien doit être significatif, doit manifester que la guerre, la maladie, l'injustice ne sont pas obligatoires, et qu'on y est pour quelque chose. Si on se croise les bras, on démissionne. Qu'est-ce qu'on y peut ? On y peut beaucoup. Concrètement, par des petits gestes, en famille, dans notre milieu professionnel, dans notre quartier, pour faire reculer la haine et la violence.

            Le geste du Christ guérissant les malades est un début de réponse. Mais la réponse définitive, il la donne en affrontant la souffrance, la torture, la mort sur la croix, pour nous montrer le chemin. Et comme il a «relevé» la belle-mère de Pierre en la prenant par la main, Dieu va le «relever» (c'est un des mots employés pour dire la résurrection de Jésus). Et nous aussi, c'est ma conviction, Dieu nous «relèvera» de la mort, qui est le mal suprême, pour nous faire entrer dans le monde nouveau où il n'y aura plus «ni deuil, ni larmes ni douleurs, mais la joie et la paix».

 

Père Théo. BAYE !

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article