SIXIEME DIMANCHE DE PAQUES (B)

Publié le par Théophile Baye

Maintenant, je vous appelle mes amis

 Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 15, 9-17

J’ai mis longtemps à comprendre cette parole de l’Évangile : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres ». Pour moi, en effet, l’amour, cela ne se commande pas. C’est quelque chose de libre, de spontané. On ne peut pas forcer quelqu’un à aimer. Le propre de l’amour, c’est justement d’être une démarche libre. Aussi, comment accepter cette parole d’Évangile, ce commandement que Jésus répète de nombreuses fois, ce « commandement nouveau » : aimez-vous les uns les autres ?

            Je crois que, maintenant, je commence à comprendre. Et je voudrais essayer de vous expliquer cela le plus simplement possible.

Un commandement ?

            Si vous aimez quelqu’un d’aimable, ou quelqu’un qui vous a rendu service, ou quelqu’un qui est beau, qui plaît, il est possible que ce soit de l’amour. Mais il est également possible que ce n’en soit pas. Ce n’est pas sûr que ce soit de l’amour, en ce sens que l’amour est quelque chose de durable, que « l’amour rime avec toujours ». Ce peut être quelque chose de simplement naturel. Il est naturel d’aimer quelqu’un qui vous aime. On n’a pas besoin de se forcer. Mais ce n’est pas sûr qu’il s’agisse d’un amour vrai, au sens où l’entend Jésus. Par contre, si vous aimez quelqu’un qui n’est pas aimable, ou quelqu’un qui vous a fait du mal, alors, vous pouvez dire qu’il s’agit d’un véritable amour. C’est pourquoi les théologiens expliquent que l’amour humain est du ressort de la volonté, et non pas seulement un sentiment instinctif.

            Prenons l’exemple d’un couple. Ils viennent de se marier. Ils se regardent les yeux dans les yeux, ils envisagent l’avenir avec joie, tout va très bien. C’est peut-être de l’amour, mais ce n’est pas sûr. Ils n’ont pas encore vérifié la qualité de leur amour. Les semaines, les mois, les années passent. Un soir, il rentre énervé, fatigué, ils se querellent, on se fait la tête. On ne se parle plus. Lui se demande : « Est-ce qu’elle m’aime encore ? » Elle, de même, se dit : « Je n’arrive plus à le comprendre ». Au bout de 48 heures, il lui demande : « Pardonne-moi ! » Et elle pardonne. Là, il commence à y avoir un amour vrai. On a la pierre de touche pour vérifier la qualité d’un amour : on s’est demandé pardon, on s’est pardonné. Je pense que beaucoup d’entre vous, dans l’histoire de leur couple, ont connu cela. La pierre de touche d’un véritable amour, c’est le pardon mutuel, souvent répété. Et là, il ne s’agit plus de gestes instinctifs, de simples sentiments, d’attirance naturelle : il y a un effort de volonté.

Difficile !

            Il faut dire que nous avons été élevés autrement. Il faut dire également que c’est difficile de pardonner. Le plus souvent, dans le couple, cela se passe autrement ! « Tu m’as fait çà ! Moi, je te revaudrai cela. Moi, je n’oublie pas ». Combien de fois, parlant à des fiancés, j’ai demandé au garçon : « Et si ta femme te trompe, qu’est-ce que tu feras ? » La réponse venait immédiatement : « Je lui en ferai autant ! » Oui, nous avons été élevés dans l’idée qu’il ne fallait pas se laisser faire. Je crois qu’il y a tout un retournement à faire en nous pour arriver à l’amour.

            Ce que je viens de dire de l’expérience du couple, vous pouvez l’appliquer à tous les types de relations possibles. Aussi bien dans la vie de famille que dans la vie de quartier, dans les entreprises ou dans la vie civique. Si personne ne pardonne, c’est la loi de la jungle. Si on ne pardonne pas, on tue. Et Dieu sait s’il y a des divorces qui ne sont pas seulement la séparation d’un homme et d’une femme, mais la séparation de groupes humains, de familles entières, dans nos cités ou dans nos entreprises, parce qu’on n’a pas appris à aimer vraiment. Parce que des hommes et des femmes ne laissent rien passer, ne pardonnent jamais. Et cela, ça tue.

            C’est pourquoi il faut accepter le commandement du Christ. Lui, il a le droit de nous commander d’aimer. Parce que son message est la parfaite expression de ce qu’il a vécu. Il nous dit : « Aimez vos ennemis ». Il ne nous dit pas : « N’ayez pas d’ennemis » ! Tout le monde en a, plus ou moins. Il y a des gens qu’on ne peut pas supporter, ou qui ne peuvent pas nous supporter. Ce n’est pas une raison pour sortir son revolver. Jésus nous demande – et cela est beaucoup plus difficile – d’aimer nos ennemis. Il peut nous le demander, lui, parce qu’il l’a fait. En donnant sa vie pour ceux qu’il aime, et qui ne l’aiment pas : nous, nous tous, pécheurs.

            Au fond, ce commandement de Jésus, c’est quelque chose de vital. On chante parfois :

« Pour bâtir la ville, pour bâtir la ville en fête,
« Que nos mains séparées soient désormais enlacées ».

 Jésus nous invite à bâtir cette société réconciliée où il introduit la joie, la joie qui fait exister les êtres humains, la joie qui permet, dans l’amour, de faire tenir debout les hommes, de faire tenir debout la société tout entière. A nous de jouer.

Père Théo. BAYE !

 


 
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