PREMIER DIMANCHE DE CAREME (B)

Publié le par Théophile Baye

Et dans le désert il resta quarante jours


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 12-15 

Question d'optique

            « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Cette parole de Jésus, par laquelle il inaugure sa prédication en Galilée, c’est l’invitation que le prêtre adresse à tous ceux qui viennent recevoir les cendres au premier jour du Carême. Se convertir et croire à une bonne nouvelle, c’est une seule et même chose. En effet, il ne faut pas entendre l’invitation « convertissez-vous » d’abord dans un sens moral, comme s’il s’agissait d’un changement de conduite pour adopter une vie sage et rangée. Avant d’être une invitation morale, c’est d’un changement d’optique qu’il s’agit. Changer notre point de vue, essentiellement pessimiste, pour croire à une bonne nouvelle, comme à une invitation à la joie.

            Disant cela, je pense au « ouf » de soulagement que le vieux Noé a dû pousser quand la colombe est revenue dans l’arche, tenant un rameau d’olivier, lui indiquant ainsi que la terre était enfin en train d’émerger des eaux mortelles, des eaux du néant. De même, le Christ au premier jour de sa prédication nous invite à un radical changement d’optique. Nous sommes sans cesse tentés de croire à la mort et de nous soumettre aux forces de mort, d’entrer en connivence avec elles. Le Christ, qui vient d’être tenté pendant quarante jours proclame sa victoire sur cette tentation permanente. C’est comme s’il nous disait : la Bonne Nouvelle, c’est que les pulsions de mort – volonté de puissance, désir de paraître pour s’imposer, course au pouvoir et course aux honneurs, se distinguer pour être distingué – ces pulsions mortelles ne sont pas invincibles : on peut les surmonter. Changement d’optique : vous pouvez vaincre ces pulsions mortelles. Ce n’est pas inévitable qu’elles mènent le monde et qu’elles dirigent les individus. Vous pouvez vous en libérer comme le Christ lui-même s’en libéré, à la suite d’un long combat de quarante jours contre Satan.

Quarante jours, quarante ans

Une Bonne Nouvelle ? Lui qui, par nature, est le premier – il est fils de Dieu – se fait le dernier. Le plus grand se fait serviteur de tous. Qui dès lors pourrait prétendre nous dominer ? Et qui pourrions-nous avoir la tentation de dominer ? Changement radical d’optique, avant d’être un changement de comportement : croire que la paix est possible. Paix avec nous-mêmes, paix avec les autres. Il s’agit donc, en ce Carême qui commence, de reprendre conscience des grands enjeux de notre vie. Cela ne se fera pas en un jour, bien sûr. C’est une démarche qui prend toute la vie. Les quarante jours de la tentation du Christ au désert sont une durée symbolique. Ils nous rappellent d’abord les quarante jours et quarante nuits où il a plu, au temps du déluge ; et Dieu sait s’il pleut, parfois, dans nos vies ! Quarante ans de la longue marche au désert avant l’entrée dans la Terre Promise. Quarante jours et quarante nuits de Moïse sur le Sinaï, et quarante jours de la marche d’Elie vers l’Horeb ; quarante années durant lesquelles les Philistins dominèrent Israël. Chacune de ces périodes est une période de « test ». C’est cela, la tentation dont parlent les Évangiles. Une expérience, celle du Christ, semblable à toutes celles que le peuple de la Bible a vécues : sans cesse, tentation de refuser la vraie mission à laquelle Dieu nous appelle pour nous conformer aux attentes de l’environnement. Au milieu des bêtes sauvages qui représentent toutes les tentations d’un monde de violence et de guerre ; mais servis par les « anges ». Rappelez-vous à ce propos le sens du mot « ange » : l’ange, c’est un messager, le facteur, le commissionnaire de Dieu, pour un évangile : il nous transmet quotidiennement la bonne nouvelle.

Réalisme

Le Carême doit nous aider à une démarche de réalisme : dépasser les apparences du quotidien. Entrer dans ce combat immémorial de la lumière contre les « puissances des ténèbres » qui nous enveloppent, avec lesquelles, souvent, nous pactisons. Le Carême est un appel à raviver notre foi et notre espérance Un appel à nous libérer pour trouver dans cette libération, la joie.

Le récit de l’évangile de Marc que nous lisons aujourd’hui est d’une concision extrême. Les autres évangélistes détaillent les tentations. Mais le message de Marc n’en est pas moins riche, en ce qu’il lie étroitement trois événements : le baptême de Jésus, les quarante jours de la tentation et le début de son activité missionnaire. C’est l’Esprit qui est venu sur lui au jour de son baptême « tel une colombe », qui le pousse au désert pour une mise à l’épreuve. Et ces tentations sont comme un prolongement du baptême : un plongeon à travers ces forces de mort (volonté de puissance, recherche du sensationnel, désir de possession) pour res-surgir à la vie nouvelle de ceux qui ont vaincu le tentateur. Alors, et alors seulement, le Christ peut s’en aller proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu, la bonne nouvelle de la vie.

Oui, « les temps sont accomplis ». Bonne nouvelle, à laquelle nous pouvons croire : une humanité nouvelle est possible, si les hommes renoncent à l’injustice et à la guerre, s’ils se convertissent, c’est-à-dire s’ils laissent Dieu transformer leur cœur. C’est commencé, mais ce n’est pas fini. Je crois même que ce n’est jamais fini. Au début de sa vie publique, Jésus annonce avec assurance cet avènement des temps nouveaux. Au fil des jours et des mois, les hommes vont se partager : il y aura jusqu’au bout les bêtes sauvages pour vouloir sa mort et les anges pour le servir. Et puis, un jour, il y aura un autre « baptême », celui qu’à plusieurs reprises il annonce. Ce « baptême qu’il doit recevoir » et qu’il envisage avec angoisse. Plongeon dans la mort, avant de ressusciter à la vie. Arrivera l’heure cruciale de « la dernière tentation », celle qu’Israël n’avait pas su dominer lors de la longue marche : le doute à propos de la présence aimante de Dieu. C’est aussi notre propre tentation, bien souvent : « Est-ce que Dieu nous aime ? »  Nous la connaissons particulièrement aux jours d’épreuve de notre existence.

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est la plainte de Jésus sur la croix. C’est la plainte de tous les hommes de tous les temps. Puissions-nous, comme Jésus, avoir le dernier mot, et répéter, comme lui, les mots de la confiance : « Père, je remets ma vie entre tes mains. »

Père Théo. BAYE !

 

 

 

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