DEDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN

Publié le par Théophile Baye

Vous êtes l'Eglise de Dieu 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 2, 13-22

Un peu d'histoire.

  Vous vous demandez sans doute quelle est la signification de cette fête que nous célébrons aujourd'hui : la dédicace de la Basilique du Latran. Un peu d'histoire va nous éclairer. C'est vers l'année 324 de notre ère que l'empereur romain Constantin, qui venait d'autoriser le christianisme à paraître au grand jour - la dernière persécution avait eu lieu seulement vingt ans plus tôt - donna à la jeune Eglise le palais du Latran, en plein cœur de Rome. On y construisit alors la basilique dédiée à saint Jean-Baptiste : c'est la plus vieille église chrétienne au monde. C'est la cathédrale du pape. Les papes, d'ailleurs, ont résidé au Latran pendant mille ans : cette résidence avait la même valeur que le Vatican aujourd'hui. Cette première cathédrale est appelée " mère et tête de toutes les églises. " Quand on fête sa dédicace, chaque année le 9 novembre, on fête en même temps la dédicace de toutes les églises chrétiennes du monde. Et aujourd'hui encore, en ce début du troisième millénaire, on se rappelle le temps où l'Église de Jésus Christ est sortie de l'ombre pour devenir signe visible aux yeux de tous. Cependant, les lectures bibliques de ce jour vont nous ouvrir d'autres perspectives.

Temples...

Depuis toujours, les hommes ont eu besoin de considérer certains lieux comme sacrés, et de les marquer de certains signes. Pensez aux pierres levées, aux autels primitifs si nombreux dans toutes les régions habitées du globe. De même, Jacob, après avoir eu la vision d'une échelle qui relie la terre au ciel, s'écrie : " Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas... Ce lieu est redoutable, c'est la maison de Dieu et la porte du ciel. " Il prend la pierre dont il avait fait son chevet, en fait une pierre levée et verse de l'huile sur elle.

Le thème de la " maison de Dieu " occupe une place considérable dans l'Ecriture. On trouve d'ailleurs cette manière de faire dans toutes les religions : on veut matérialiser ainsi, d'une manière quelconque, la présence divine, comme pour se l'attacher. Voir tous les temples égyptiens, grecs, romains de l'antiquité. On place dans ces temples la statue de la divinité à laquelle on rend un culte. Histoire de proximité et d'appartenance. " Dieu avec nous. " En Israël, il en va de même, avec une différence notoire : aucune image de Dieu dans le lieu de sa présence. L'arche d'Alliance, pendant la longue marche au désert, puis le Temple de Jérusalem bâti par Salomon sont signes matériels de la présence de Jahweh, mais ils ne renferment que des instruments : tables de la Loi et un peu de la manne du désert. Plus tard, d'ailleurs, après les invasions et les occupations successives, le nouveau Temple de Jérusalem était vide de tout objet matériel et de toute image. Il était pourtant signe de la présence bienveillante de Dieu. Pour un bon Juif, c'était le centre du monde. On y venait du monde entier pour adorer Jahweh et lui offrir des sacrifices. De plus, avec Ezéchiel, on le voyait non seulement comme un lieu vers lequel on convergeait, mais comme une source dont les eaux vives divergent et vont au loin déployer leur fécondité. Au temps de Jésus, on y célébrait chaque année, en hiver, la fête de la Dédicace, souvenir du jour où ce Temple avait été purifié, en 164 avant notre ère, de tous les signes païens placés là par l'occupant. Retenons simplement de tout cela que le Temple, les temples sont toujours signes de la présence de Dieu sur cette terre.

Changement de signe.

Avec Jésus, tout va changer. On va aller de malentendus en malentendus. Certes, Jésus, lorsqu'il chasse les vendeurs du Temple, parle de purifier " la maison de (son) Père ", mais à ses interlocuteurs qui lui demandent de quel droit il fait cela, il répond :" Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai ". Naturellement, personne ne comprend. L'apôtre Jean nous dit qu'il a compris beaucoup plus tard, au moment de la mort et de la résurrection du Seigneur. Ensuite, les chrétiens développeront cette foi des premiers témoins en disant que Jésus est le vrai temple de Dieu, parce qu'en sa personne humaine, Dieu est présent sur cette terre. " Et le Verbe s'est fait chair, et il a planté sa tente parmi nous ", dit le Prologue de l'évangile de Jean. Et l'un des Sept, Etienne, sera lapidé par les autorités juives parce qu'il déclare que " le Dieu Très-Haut n'habite pas dans des maisons construites de mains d'hommes. "

Le vrai Temple.

Où est Dieu ? A cette question, Etienne répondait logiquement, selon l'enseignement du Christ : Dieu n'habite pas dans des maisons. L'apôtre Paul ira beaucoup plus loin. Le vrai Temple de Dieu, c'est l'Église. Ici, entendons-nous bien, car le mot est à double sens : avec un E majuscule, il s'agit de l'assemblée, alors qu'avec un é minuscule, il s'agit du bâtiment. Le mot grec " ekklesia ", au sens littéral, signifie toute assemblée. On l'a traduit en français par Eglise. Donc, l'apôtre Paul, s'adressant au collectif formé par les chrétiens, lui dit : " Vous êtes le Temple de Dieu ", et il va développer cette intuition en de multiples passages de ses lettres, notamment aux Corinthiens. Il ira même plus loin c'est non seulement le " collectif " de tous les baptisés qui est Temple de Dieu, mais chacun de nous, personnellement : " Votre corps, écrit-il, est le temple du Saint Esprit. " Jésus, déjà, n'avait-il pas dit : " Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, nous viendrons en lui et nous ferons chez lui notre demeure. "

Maison du peuple.

Alors, pourquoi des églises ? Pourquoi tant de bâtiments ? D'abord parce que l'Église (les chrétiens qui se rassemblent) ont besoin d'églises (basiliques, cathédrales, églises ou simples chapelles), de lieux pour se rassembler. De lieux si possible fonctionnels. C'est une question de nécessité. C'est aussi un besoin bien humain de dresser des " signes " consacrés à cette fonctionnalité : pour que le culte rendu à Dieu soit digne et recueilli. Une église n'est pas un hangar : elle doit porter à la prière le peuple rassemblé. Ceci étant bien précisé, il n'en reste pas moins vrai qu'avant d'être la " maison de Dieu ", chaque église, grande ou petite, est la " maison du peuple de Dieu. " C'est là qu'on se rassemble, c'est là qu'on aime se retrouver pour prier, écouter et méditer la parole, se réchauffer de la présence du Seigneur qui nous rappelle que " quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. "

J'aime les églises, surtout quand elles m'aident à prier avec le peuple assemblé. Rien n'est plus émouvant qu'une belle assemblée dans une belle église. Mais, même dans une humble chapelle, rien n'est plus beau que quelques dizaines de personnes assemblées pour "faire Eglise". Et j'aime chanter en mon cœur le psaume 42 traduit par Théodore de Bèze : " Je regrette la saison / Où j'allais dans ta maison / Chanter avec les fidèles / Tes louanges immortelles. "

Père Théo. BAYE !

 

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