LA FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

Publié le par Théophile Baye

"Le pain que je donnerai, c'est ma chair."

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 51-58 

Tempête sous un crâne 

Brain-storming : en français : " Tempête sous un crâne ". C'est un exercice que j'utilise fréquemment, au cours d'une réunion quelconque, pour faire participer les gens. Il consiste à écrire un mot au centre du tableau et de demander à toute l'assistance de dire, librement et sans contrainte, et pendant quelques minutes, les mots (et simplement des mots, pas des phrases) évoqués par le mot que j'ai écrit. Ainsi, lors de la dernière réunion de parents des enfants qui ont fait leur Première Communion, j'ai fait jouer le jeu à une trentaine de personnes qui étaient là, après avoir écrit, sur le tableau, le mot "COMMUNION". Et voici la liste des mots énoncés:

Unique - union - commun - unité - commune - ensemble - réunion - communauté - excommunié - communisme - Église - désunion - communiquer - unanime - communicatif - Jésus - manger - uniforme - unisson - corps - sang - hostie - amitié - univers - convivial - communication.

Il nous a suffi ensuite de relire (de relier) tous ces mots écrits au tableau pour nous faire une bonne idée de ce qu'est la Communion. Du moins, je le croyais ce jour-là !

Responsabilité partagée

Mais en travaillant un peu plus profondément le sujet, je me suis aperçu qu'on était largement " à côté de la plaque ". Parce qu'on faisait une erreur sur l'étymologie du mot " communion ". Si vous avez un dictionnaire étymologique, vous vous en apercevrez facilement. Notre mot français " communion " n'est pas la transcription du latin communio (union avec) mais de com-munus, qui signifie avoir une responsabilité commune. Il se rattache au nom latin " munia " (les charges) d'ou municipalité. Et la commune, c'est l'ensemble de ceux qui ont part aux " munia ", aux charges. On trouve, selon la même origine, le mot " immunité ", qui signifie une exemption de charges.

Nous voici donc dans une tout autre perspective, beaucoup plus dynamique, puisque le mot indique dès l'origine que la communion implique responsabilité, œuvre commune à faire. Alors que tant de fois, nous n'avions qu'une perspective purement individualiste (communier pour me nourrir, pour m'apporter un réconfort) il s'agit de renverser la vapeur : je vais communier pour m'engager, avec tous les frères, au service de l'œuvre commune à laquelle le Christ nous invite : le salut du monde. Communier, c'est prendre un engagement, se mobiliser, se mettre à l'œuvre, donc se faire serviteur. Y aviez-vous pensé ? Voilà qu'on découvre quelque chose d'important. Allons plus loin.

Le Corps du Christ !

En vous présentant l'hostie, le prêtre vous dit : " Le Corps du Christ ". Et vous répondez : " Amen ". Mais le prêtre pourrait tout aussi bien, en désignant toute l'Assemblée, proclamer : " Le Corps du Christ ". Est-ce que vous répondrez " Amen " avec la même conviction ? Relire saint Paul. Pour lui, il y a équivalence entre le pain eucharistique, le Corps du Christ et l'Église. Les trois ne font qu'un, ou plus exactement, se conditionnent mutuellement. C'est à travers le mystère eucharistique que se réalise et se vit le " mystère " qu'est l'Église, corps du Christ : le Saint Esprit circule dans tout le corps, comme un souffle. Le Christ est la tête, qui dirige tous les membres du corps. En communiant au pain et au vin, au Corps du Christ, les fidèles deviennent Corps du Christ, deviennent Église. " La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu'il n'y a qu'un pain, à nous tous nous ne formons qu'un corps, car tous nous avons part à ce pain unique " (1 Co 10, 16-17) Et saint Augustin écrit : " Tu entends ce mot : 'le corps du Christ' et tu réponds 'Amen'. Sois donc un membre du Christ pour que soit vrai ton Amen ".

Un idéal ?

" Nous ne formons qu'un seul corps " ? C'est la théorie. Ou plutôt, c'est l'idéal à atteindre. Rappelez-vous les critiques violentes que Paul adresse aux chrétiens de Corinthe, parce qu'ils ne vivent pas les solidarités élémentaires. Au lieu de se réunir et de mettre tout en commun, des groupes séparés se forment, qui correspondent sans doute à des milieux sociaux différents. L'inégalité s'en trouve soulignée, alors que justement elle devrait disparaître. Paul, alors rappelle la tradition qui remonte au Seigneur : la veille de sa mort, il a partagé le pain et le vin, il a donné son corps et son sang (c'est-à-dire sa propre vie) en nourriture. Puis il conclut : attention, celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, c'est-à-dire sans apprécier les exigences de partage, de fraternité, de solidarité que comporte la réception du Corps du Christ, " mange et boit sa propre condamnation ". On ne peut pas dire plus fortement les exigences de la communion. " Tu as goûté au sang du Seigneur et tu ne reconnais même pas ton frère. Tu déshonores cette table même, en ne jugeant pas digne de partager ta nourriture celui qui a été jugé digne de prendre place à cette table. " (Saint Jean Chrysostome).

Deux thèmes inséparables

Union fraternelle, union au Christ : les deux thèmes sont inséparables. Mais alors que l'Église primitive insistait beaucoup sur l'aspect " communion fraternelle ", l'Église, à partir du Moyen Age, insistera davantage sur l'aspect " nourriture spirituelle", et donc, sur un point de vue plus individualiste. La communion, nourriture de nos âmes. C'est un autre aspect, tout aussi important que le premier, mais qui ne peut pas en être séparé. " Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous " (Jean 6, 53) De même que les aliments qui sont notre nourriture quotidienne nous donnent les moyens de vivre en bonne santé, de même le corps du Christ reçu dans la communion nous donne un supplément de vie. Rappelez-vous l'étymologie du mot (com-munus) : nous voici attelés à la même tâche que celle du Christ, nous voici investis de la même mission. Lorsque nous communions s'accomplit en nous l'union entre Dieu et l'homme. Nous devenons alors responsables de la présence de Dieu dans le monde.

Comment lier les deux aspects, communion au Christ et communion fraternelle ? Essentiellement en la personne du Christ. Dans la communion, les croyants ne changent pas le Christ en eux, comme un autre aliment. C'est lui, le Christ, qui change chacun d'eux en lui-même. On devient ce que l'on reçoit.

Je viens d'essayer de décrire un idéal. Et en même temps, je me rends compte que nous sommes bien souvent très loin de cet idéal. Interrogeons-nous. Quelles sont nos motivations profondes chaque fois que nous allons communier ? N'y a-t-il pas de notre part comme une sorte de réflexe machinal ? Voulons-nous vraiment, non pas nous nourrir spirituellement, mais " devenir ce que nous recevons", et donc devenir d'autres Christ, participant à la même mission? Cherchons-nous vraiment à réaliser la " communion fraternelle ", sans exclusives, sans préjugés ? Et pour nous, cette " communion fraternelle " est-elle plus qu'une simple amitié, un " copinage " ? Est-elle vraiment une volonté de travailler ensemble au service de l'humanité ? Et enfin, est-ce que nous ressentons douloureusement les séparations, les exclusives, les incompréhensions entre nos Églises, qui, pourtant, se réclament d'un même Seigneur. La communion fraternelle reste à faire, je crois. A chacun de nous d'y travailler.

Père Théo. BAYE !

 

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