LA PENTECÔTE

Publié le par Théophile Baye

"La paix soit avec vous !"

 Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 19-23 

Vieux comme le monde

La fête de la Pentecôte, c'est une fête vieille comme le monde. Elle date de plusieurs dizaines de siècles avant Jésus, avant le peuple hébreu. Au point de départ, c'est simplement la fête de la moisson. Au moment de la Pentecôte, on vient offrir la première gerbe à la divinité. Le peuple hébreu a hérité de cette tradition. Il offre chaque année la première gerbe de la récolte de blé à Yahweh. Mais en même temps, il va donner à cette fête une autre signification il va dire qu'elle lui rappelle un souvenir historique. A la Pentecôte ; cinquante jours après la Pâque, il va commémorer le jour où Dieu a donné sa Loi à son peuple sur le mont Sinaï, le jour où s'est conclue une alliance entre Dieu et le peuple hébreu, le jour où ce peuple a été constitué comme le Peuple de Dieu. C'est un peuple nouveau qui s'est constitué ce jour-là, et on va faire une grande fête, le jour de la Pentecôte.

Le nouveau peuple de Dieu

Ce n'est pas pour rien que Luc situe la venue de l'Esprit-Saint le jour de la Pentecôte. Il veut nous dire, en faisant référence à la constitution de l'ancien peuple de Dieu, que le nouveau peuple de Dieu est né de l'Esprit, un matin de Pentecôte, à Jérusalem. Mais je ne sais pas si vous avez remarqué que nous venons de lire deux textes, l'un des Actes, l'autre de l'Évangile de saint Jean, qui situent la venue de l'Esprit à des moments différents. Pour les Actes, l'événement a eu lieu le jour de la Pentecôte, alors que saint Jean situe le même événement le soir de Pâques. Cela ne doit pas nous étonner : on trouve dans les textes la relation d'un grand nombre de venues de l'Esprit-Saint, sur les apôtres, sur un groupe de disciples, et même sur des païens : alors que Pierre parle de Jésus au centurion Cornélius, qui est un brave païen, et à sa famille, l'Esprit vient sur eux, bien qu'ils ne soient encore pas baptisés. L'Esprit est libre, et c'est ce que veut dire Luc dans le récit des Actes. Il situe la venue de l'Esprit le jour de la Pentecôte parce qu'il veut faire référence à la création du nouveau peuple de Dieu, alors que Jean situe le même événement au soir du " premier jour de la semaine ", parce qu'il veut évoquer une nouvelle création du monde.

Du concret !

Pour bien comprendre qui est l'Esprit-Saint - et nous pouvons déplorer qu'il soit toujours le grand méconnu - il faut d'abord se rappeler une chose : dans les langues sémitiques, chez les Hébreux comme chez les Arabes aujourd'hui, il n'y a pratiquement pas de mots abstraits. L'esprit, cela n'existe pas. Pour dire l'esprit, on emploie des mots concrets. On va employer deux mots pour désigner l'esprit. On va dire, d'abord, le vent, et ensuite, le souffle, la respiration, donc la vie. Rappelez-vous, au chapitre 2 de la Genèse, quand Dieu crée l'homme en le modelant avec de la terre : la Bible nous raconte que, pour donner vie à cette statue, Dieu a soufflé dans ses narines. C'est ainsi qu'il lui a communiqué la vie, sa vie. L'Esprit donne la vie, l'Esprit est la vie même de Dieu. On retrouve cela tout au long de la Bible. Dans le livre de l'Exode par exemple, quand on raconte la sortie d'Égypte, et que le peuple arrive devant la Mer Rouge, on nous dit que Dieu envoya son souffle - un vent d'Est - pour faire refluer les eaux de la mer. C'est le souffle de Dieu qui, non seulement donne la vie, mais permet la libération de l'homme. Prenons un autre exemple, pour vous dire comment ce langage biblique est concret. Au moment du déluge, quand l'arche de Noé flotte sur les eaux, Dieu envoie son souffle, et les eaux baissent, jusqu'à ce qu'on retrouve la terre ferme. C'est l'esprit de Dieu, le souffle, la respiration, la vie de Dieu, qui sauve, qui libère, qui recrée ce nouveau peuple, à partir de Noé et de sa famille, après la catastrophe. On retrouve déjà cela à la première page de la Bible, où l'on nous dit que " la terre était informe et vide et que l'esprit (le souffle) de Dieu planait sur les eaux " pour séparer les mers de la terre ferme et permettre ainsi à la vie d'apparaître sur la terre.

L'Esprit à l'œuvre

Toutes ces images, dans ce langage très concret, veulent nous dire une seule chose : l'Esprit de Dieu, la vie de Dieu, est ce qui permet à l'univers, au cosmos, d'exister. La matière elle-même n'existe que créée par l'Esprit. Il " remplit l'univers ". Donc, également, il travaille au cœur de l'humanité pour lui donner vie, la constituer en peuple uni, la libérer. Mais voilà ! Chez les hommes, il y a la liberté. Et nous ne sommes pas guidés, conduits, comme des marionnettes. L'homme est libre. Il y a en lui, comme dans toute l'humanité, depuis le début, une immense aspiration à se libérer de toutes les contraintes, de tous les déterminismes, de toutes les forces de la nature qui empêchent l'homme d'exister et de réussir sa vie. Nous, on ne le sait pas assez, car nous vivons dans des civilisations où l'on a aménagé toutes les sécurités possibles ; mais il faut nous rappeler toute la lutte des hommes contre les " éléments du monde " (Saint Paul), contre la nature déchaînée (encore aujourd'hui, il suffit d'une tornade pour faire des centaines de milliers de victimes.) Ce faisant, l'homme est animé par l'Esprit. Mais il n'y a pas que les éléments qu'il a réussi à maîtriser. Il lui a fallu - et il lui faut encore - se battre contre toutes les forces qui empêchent l'humanité d'arriver au bonheur : la guerre, la violence, l'injustice, bref, le péché. Là, l'Esprit est à l'œuvre. Pas seulement dans l'Église. Il n'est pas limité par des structures. Il n'est pas limité par le sacrement du baptême ou de la confirmation. Il agit dans le cœur et dans l'esprit de tous les hommes de bonne volonté, de tous ceux qui ne refusent pas son action vitale et libératrice. Simplement, pour les baptisés-confirmés, il y a un " plus " : ils peuvent le " nommer ", le reconnaître à l'œuvre, en eux et dans le monde. Et s'ils le reconnaissent, ils peuvent travailler avec lui à toutes les œuvres de progrès, de réussite. Là, nous savons qu'il agit, qu'il travaille.

D'où, pour nous, une seule nécessité, un seul besoin : vivre de l'Esprit. Et je crois profondément qu'il est, hélas, le grand méconnu. On dit Dieu, un Dieu vague, impersonnel. Mais Dieu, c'est la vie. Dieu, c'est la puissance de libération pour l'humanité tout entière. Comment travailler avec lui ? Comment le reconnaître ? Simplement en le priant. Pas seulement le jour de la Pentecôte, mais tous les jours de notre vie. Alors, nous verrons qu'il " renouvelle la face de la terre. "

Père Théo. BAYE !

 



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