QUATRIEME DIMANCHE DE PAQUES

Publié le par Théophile Baye

 

Je suis le bon pasteur

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 11-18.

Dépasser l'image

 

            C'est difficile de dire Dieu. Parce que toutes les images que l'on peut employer risquent de fausser un peu, et même beaucoup, la réalité. Ce ne sont que des images : il faut les prendre pour ce qu'elles sont, sans nous laisser accaparer par l'image, mais au contraire pour la dépasser et aller à la réalité.

            Jésus lui-même, toute sa vie, a employé des images pour se dire. Des images plus ou moins parlantes, d'ailleurs. Il nous dit : «Je suis le pain de vie». On comprend bien que le pain, c'est la nourriture qui procure la vie. Quand il dit : «Je suis la vraie vigne», c'est déjà plus difficile à saisir. Aujourd'hui, il emploie une image qui était très parlante de son temps. Il dit : «Je suis le vrai berger». Dans une civilisation rurale, où le troupeau était quelque chose d'essentiel à la survie, les bergers avaient une importance considérable, à tel point qu'on avait déjà fait une transposition, et du berger qui conduit son troupeau de moutons, on était passé, pour dire le roi, ou les chefs politiques, ou les guides spirituels du peuple, à l'image du berger. Le roi était le « berger de son peuple ».

 

Inverser l'image

 

            Jésus s'applique à lui-même cette image. Mais cette image n'est pas sans inconvénients. Si l'on veut bien comprendre Jésus, il faut y réfléchir. Premier inconvénient : c'est que dans la réalité, ce sont les brebis qui donnent leur vie pour le berger. Il les tond, file et tisse leur laine pour en faire des vêtements, il les trait pour boire leur lait et faire du fromage, il les engraisse enfin pour les manger. Alors, qu'est-ce que cela veut dire, Jésus qui annonce qu'il « donne sa vie pour ses brebis » ? D'où deuxième difficulté : il donne sa vie, il connaît ses brebis, il les conduit, il les rassemble... Il en fait trop ! Où est notre liberté, notre initiative, dans tout cela. Est-ce que l'idéal du chrétien est d'être obéissant, docile, infantilisé ? Il fait tout pour nous: serions-nous un troupeau de moutons ? Vous voyez donc comment l'image elle-même peut être dangereuse.

 

Le traitement pascal

 

            Pour bien la comprendre, je crois qu'il faut lui faire subir ce qu'un spécialiste appelle le «traitement pascal». C'est-à-dire que les images appliquées à Jésus, et même le mot «Christ», «Messie», ces images ne sont compréhensibles et n'ont valeur pour dire la personne de Jésus que si elles ont subi le traitement pascal, c'est-à-dire dans la mesure où l'on ne retient comme centre de la mission de Jésus que sa mort-résurrection.

            Je le dis souvent : je regrette qu'on ait découpé les évangiles des dimanches en toutes petites tranches, comme si les chrétiens ne pouvaient pas en entendre davantage, comme si, au fond, on les prenait pour des moitiés de débiles. Aujourd'hui par exemple : si nous relisons quelques lignes plus haut l'allégorie du bon berger, nous entendons le Christ nous donner une autre image, très parlante également, du bon berger : il est celui qui « fait sortir » son troupeau (pour les conduire dans de verts pâturages). Cette image fait allusion, pour ceux qui ont un minimum de culture biblique, à la grande sortie, à la libération de la captivité d'Egypte, à la Pâque. Voilà donc Jésus, vrai berger, qui ouvre les portes d'une vie fermée sur elle-même, d'une vie close par la mort, pour nous mener vers la vie, nous libérer. C'est tout l'inverse du berger qui profite de son troupeau. Par sa mort et sa résurrection, Jésus fait de nous un peuple d'hommes libres. Nous le chantons d'ailleurs. Encore faut-il que ce soit vrai, et donc que l'idéal pour nous chrétiens ne soit pas d'être des enfants, des disciples bien sages. L'image de la liberté que le Christ nous donne va nous permettre d'aller à Dieu et de le connaître. Je voudrais insister un peu là-dessus.

 

"Comme mon Père..."

 

            « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, nous dit Jésus, comme mon Père me connaît et que je connais le Père ». Ce « comme » est très important. Quand on parle de connaissance entre des personnes, il y a toujours une connotation d'amour. On ne peut connaître que si on aime. C'est tellement vrai que dans la Bible, quand on dit d'un homme qu'il « connaît » sa femme, çà veut dire qu'ils ont des relations sexuelles. La connaissance de l'autre, c'est toujours une connaissance amoureuse. En Dieu, c'est déjà cela : la relation Père-Fils les fait exister. On dit de Jésus, dans le Credo : « Engendré, non pas créé ». Et cette relation d'amour fait qu'ils ne sont plus qu'un. C'est dans cette intimité amoureuse que le Christ nous introduit par sa mort-résurrection.

            A nous de choisir, d'accepter ou non. A partir du moment où nous entrons dans cette intimité amoureuse, nous devenons, comme dit la première lettre de Jean, « enfants de Dieu ». Ce n'est pas une « parole verbale », ce n'est pas une image, c'est une réalité. Devenir Dieu, devenir des êtres divins : c'est cela, la vie éternelle. Là encore, voilà un mot qu'on emploie à tour de bras, sans en voir la richesse. La vie éternelle, elle est déjà commencée, pour chacun de nous. C'est une vie de relation amoureuse, non seulement entre Dieu et nous par Jésus Christ, mais également entre nous, qui sommes frères. Pour cela, il faut sans cesse travailler à approfondir notre connaissance mutuelle, affectueuse, chaleureuse même, entre nous, et avec Dieu. Cette image du berger peut être parlante, pour chacun de nous, si nous la vivons comme Jésus veut nous la faire vivre : dans une relation d'amour fraternel et d'amour filial.

Père Théo. BAYE !

 

 

 

 

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Mes sincères félicitations, cher frère, pour l'exercice délicate que tu accompli; à traversl'interprétations des Saintes écritures, afin de permettre aux plus éloignés de Dieu,de le sentir si proche et plein d'Amour.  Je promet de te lire plus souvent et de garder notre fraternelle communionTon frère,  Theodulos 
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