TROISIEME DIMANCHE DE CAREME (B)

Publié le par Théophile Baye


Il fit un fouet avec des cordes


 Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2, 13-25

Coup de foudre
 

            Cela commence par un coup de foudre. Un coup de foudre entre Dieu et un ramassis de pauvres gens, esclaves en Egypte, menacés de génocide. Un coup de foudre, vous en avez peut-être connu, vous qui me lisez. C'est comme un essai au rugby : il faut le transformer. On peut transformer un coup de foudre en un véritable amour qui dure toute une existence. Pour cela, il faut une alliance. Et l'alliance que les hommes et les femmes mariés portent au doigt leur rappelle tous les jours que le coup de foudre, qui est un moment passager, s'est transformé pour devenir une longue histoire d'amour, une présence et une alliance continuelles entre un homme et une femme.

            C'est ce qui est arrivé entre Dieu et son peuple. Le coup de foudre, il l'a eu un jour. Pourquoi avec ceux-là plutôt qu'avec d'autres, on ne sait pas. En tout cas, il y a eu «transformation de l'essai» » au Sinaï. Là où Dieu s'est marié avec ce peuple. Comme pour toute alliance, il s'agit d'un contrat entre deux parties. Le contrat du Sinaï a été gravé sur la pierre pour que ce soit du solide. C'est la Loi, ce rappel d'un certain nombre de choses qui sont indispensables pour que l'alliance soit éternelle. Et pour que cette loi gravée sur la pierre soit également gravée dans les cœurs, Dieu a voulu que ce texte gravé soit présent, comme signe de sa propre présence, au milieu de son peuple. Alors, on a fait l'Arche d'Alliance, cette arche qui marchait au-devant du peuple au cours de la longue marche du désert, qui, lors des étapes, était au centre du campement. Cette Arche d'Alliance rappelait donc sans cesse au peuple que Dieu était avec lui.

 

Essai transformé

 

            Plus tard, une fois que les Hébreux furent installés en Israël, ils ont dit : « Il nous faut faire un temple, comme les autres peuples de la terre». Dieu a été très réticent. Il avait peur. Et il avait raison d'avoir peur. Pourtant, Salomon a bâti un temple merveilleux, et, au centre de ce temple, on a mis, dans le saint des saints, l'Arche d'Alliance. C'était donc là le lieu d'un culte, mais ce culte, très rapidement, a été dévié, déformé. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est devenu un culte nationaliste. Plus encore, un culte raciste. C'était «Dieu avec nous», les bons, le peuple élu, contre les autres, les mauvais. Ce danger existe toujours, pas seulement pour les Juifs, mais pour l'Eglise, pour toutes les religions. Il y avait donc ce premier danger, celui d'un racisme latent. Il y avait aussi un autre danger : c'est que ce culte était devenu une affaire de marchandage, de «donnant-donnant» (Cela nous concerne encore aujourd'hui, hélas) : cela consistait à dire : «Dieu, je t'offre un sacrifice. Je suis riche, je t'offre un taureau. Je suis pauvre, je t'offre un agneau, ou une tourterelle, mais toi, en retour, il faut que tu m'accordes tout ce dont j'ai besoin». Il y avait donc tout un marchandage, tout un trafic, et dans l'esprit des gens, ce Dieu qui était avec nous, pour nous tout seuls, il nous devait des tas de choses, en retour aux sacrifices qu'on lui offrait.

 

Grand nettoyage

 

            Voilà Jésus qui va opérer une véritable révolution. On imagine très difficilement, aujourd'hui, le scandale produit, lorsque les témoins de la scène l'ont vu chasser les vendeurs du Temple. Pas seulement parce qu'ils avaient fait de ce Temple une maison de trafic: il fallait bien qu'ils soient là, les marchands, puisque chaque jour on offrait quantité de bœufs, de taureaux, d'animaux ; il fallait bien qu'il y ait des changeurs de monnaie, puisqu'il n'y avait qu'une seule unité de monnaie valable et reconnue dans l'enceinte du Temple : c'était la monnaie du temple, frappée par les services du grand-prêtre. Donc, les gens qui venaient d'un peu partout étaient bien obligés d'avoir recours aux changeurs. C'était tout-à-fait normal.

            Alors, que veut dire Jésus en chassant les vendeurs du Temple? Deux choses. Premièrement, tous ceux qui sont là le comprennent facilement (car ils connaissent leur Bible), Jésus se présente comme le Messie annoncé par le prophète qui avait dit que, lorsque le Messie viendrait, il purifierait le Temple. Tout le monde comprend bien que Jésus se présente comme le Messie. Et on va lui demander de quel droit il fait ce geste significatif. Mais il y a plus que cela ! S'il chasse les animaux, c'est parce que, dans la nouvelle religion, il n'y aura plus ces sacrifices d'animaux, ces offrandes de marchandage avec Dieu. Et à la question qu'on lui pose, il répond par cette phrase énigmatique : «Détruisez ce temple et je le relèverai en trois jours». Il fait allusion ainsi  au seul et unique sacrifice, qui ne sera plus une histoire de marchandage, puisque ce sera un don gratuit: le don gratuit de sa vie. On détruira ce temple, le temple de son corps, et le troisième jour il ressuscitera. Rappelez-vous : quand on cherchera un mot pour dire la résurrection de Jésus, on emploiera le mot «relever» : «Ce Jésus qui était mort, Dieu l'a relevé». Jésus se présente donc comme le temple unique, le sacrifice unique, celui qui est l'image visible de Dieu invisible. Rappelez-vous ce qu'il disait à Philippe : «Celui qui me voit, voit le Père». Il est présence vivante et unique de Dieu parmi nous.

 

Vous  êtes le Temple de Dieu

 

            Tout cela, c'est très bien, pour nous, croyants. Pas de problème. Mais si j'avais devant moi un auditoire d'incroyants, je suis sûr que beaucoup me diraient : «Comment ! Un homme qui a vécu il y a vingt siècles ! Comment peut-on reconnaître Dieu en lui ?» Bien sûr, il y a l'évangile, qui nous donne une image sérieuse de Dieu, à travers les faits et gestes du Christ. Mais ce n'est pas suffisant. Alors, les disciples, réfléchissant sur ce fait de la présence réelle du Christ ressuscité dans la communauté primitive, ont osé proclamer : «Aujourd'hui, c'est nous qui sommes le temple de Dieu». St Paul l'affirme très fort. St Pierre également, qui nous dit que nous sommes «les pierres vivantes» de cet édifice qu'est l'Eglise du Christ.

            «Vous êtes le seul temple», le seul lieu de rencontre entre Dieu et les hommes aujourd'hui. Et ce temple est saint. Ce qui veut dire, pour nous, que les églises, ou les temples, ne sont que des bâtisses, des monuments qu'on visite, à la rigueur. Mais les églises sont valables dans la mesure où elles sont habitées par un peuple. C'est vous le temple de Dieu. C'est vous qui êtes chargés aujourd'hui, comme le Christ autrefois, mais avec le Christ aujourd'hui, de la louange au Père, mais aussi du témoignage. Pour que chacun, sur nos visages, à travers nos attitudes, découvre un Dieu qui aime l'homme, un Dieu qui aime ce temps, notre époque, un Dieu libérateur. Quelle responsabilité ! Mais aussi quelle dignité ! «Vous êtes le temple de Dieu, animés par l'Esprit».

 

Père Théo. BAYE !

 

 

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